lundi 10 mai 2010

La mort de Bon Sens

Le trait d’esprit, le jeu de mots et la plaisanterie ne se manifestent pas seulement dans le discours que l’on pourrait qualifier d’humoristique. On les retrouve à travers les siècles dans un grand nombre d’autres discours, comme le discours politique, le discours journalistique et, d’une manière éclatante aujourd’hui, dans le discours publicitaire. 

Pour attirer l’attention du lecteur, du passant ou du téléspectateur sur un produit de consommation, les publicistes cherchent souvent à créer un effet de surprise. Les jeux avec les mots constituent un moyen privilégié pour obtenir cet effet. Exemple : dans une annonce faisant la promotion des vêtements NAF-NAF, on lit ceci : NAF-NAF. Le grand méchant look !


Nous avons, vous et moi, un ami commun qui nous aime bien, et que nous aimons tous. Même si certains le méprisent, tous l’adorent. Il joue dans les jardins de l’humour. Il semble d’ailleurs que ce soit un de ses cousins. Mais il s’en défend, car il se veut populaire et optimiste. Chaque fois que vous lui faites un clin d’œil avant de prendre la parole, le cerveau de la personne qui est en face de vous est mis à l’envers, son visage s’illumine, son regard se rafraîchit, et un sourire irrésistible se dessine doucement sur ses lèvres. 

L’ami qui nous offre ce plaisir s’appelle « BON SENS ». Écoutez-le  dans ses œuvres !
Dieu a sagement agi, en plaçant la naissance avant la mort ; sans cela, que saurait-on de la vie ? (Alphonse ALLAIS). Les femmes c’est comme la confiture : c’est bon, mais ça colle.
Dieu avait prévu que l‘homme, un jour, porterait des lunettes. La preuve, il nous a créé avec deux oreilles.

Notre ami BON SENS a toujours vécu parmi nous. Pas plus tard qu’hier, il était avec nous au Palais de la culture. Mais aujourd’hui, nous déplorons son décès. Il est mort d’une courte maladie.

Personne ne connaît exactement son âge, car les registres de naissance ont été perdus, dans les méandres de la bureaucratie, il y a bien longtemps ; bien avant la crise militaro-politique de 2002 ! Et on nous dit que même les juges, lors des audiences foraines, ont été incapables d’en établir un duplicata.

Vous vous souvenez, des leçons de vie de BON SENS comme :
  • « Il ne faut pas tout attendre des autres » 
  • « La vie appartient à ceux qui se lèvent tôt » ; et
  • « Ce qui arrive est peut-être de ma faute. »
BON SENS vivait avec des règles simples et pratiques comme « Ne pas péter plus haut que son cul »  et des principes éducatifs clairs comme « Ce sont les parents et non les enfants qui décident ».

BON SENS a perdu pied quand des parents ont attaqué des professeurs pour avoir fait leur travail en voulant apprendre aux enfants les bonnes manières et le respect. Un enseignant a même été renvoyé pour avoir réprimandé un élève trop excité, ce qui a aggravé l’état de santé de BON SENS. Son état de santé s’est encore plus détérioré quand une institutrice a dû demander et obtenu une autorisation parentale pour mettre un pansement sur le petit bobo d’un élève.

BON SENS a perdu la volonté de survivre quand des criminels recevaient meilleur traitement que leurs victimes. Il a encore pris des coups, quand cela devint répréhensible de se défendre contre un voleur dans sa propre maison, et que le voleur pouvait porter plainte pour agression.

BON SENS supportait de plus en plus mal cette évolution. Il a définitivement perdu sa foi, quand une femme qui n’avait pas réalisé qu’une tasse de café bouillante était chaude, en a renversé une petite goutte sur sa jambe, et pour cela, a perçu une indemnité colossale.

Il faut vous dire que la mort de BON SENS a été précédée par celle de :
— de ses parents : Vérité et Confiance ;
— de sa femme : Discrétion ;
— de sa fille : Responsabilité, et
— de son fils : Raison

Il est parti, sans veuve, sans enfants, ne laissant derrière lui que ses 3 faux frères :
— le premier, « Je connais mes droits » ;
— le deuxième, « C’est la faute de l’autre » ;
— le troisième, « Je suis une victime ».

J’étais personnellement à l’enterrement de BON SENS. Il n’y avait pas foule, car il n’y a plus beaucoup de personnes pour se rendre compte qu’il est parti. Chaque jour pourtant, les gens continuent de ne pas assumer leurs actes. 

Moi je suis fumeur, mais je n’irai pas porter plainte contre Marlboro si j’ai des problèmes dans 10 ans. En France maintenant, si tu sors d’un bar saoul et que tu te tues ou te blesses en voiture, tes parents ou toi pouvez porter plainte contre le patron du bar qui t’a servi ! Ah ! Les mecs n’assument même plus, le fait d’avoir trop bu d’alcool volontairement, et d’avoir eu un accident. C’est tout simplement pitoyable.



A propos de l'auteur : Dr Daniel ZONGO est Professeur de Zootechnie Tropicale et d'Endocrinologie Vétérinaire à la retraite. Conseiller Technique du Ministre de la Production Animale, Consultant international, Poète, Passé Président du Club Agora TM d'Abidjan. Dr Daniel Zongo est auteur du recueil de poésies CHARIVARIS et Co-auteur de PORTRAIT DES SIECLES MEURTRIS : ANTHOLOGIE DE LA POESIE IVOIRIENNE. Il est aussi l'auteur de nombreuses publications scientifiques.

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