L’apprentissage de l’art oratoire met souvent l’accent sur le verbal : choix des mots ou expressions appropriés, intonation et puissance de la voix, débit oratoire, etc. Certes, tous ces facteurs sont importants, mais moins qu’on se l’imagine habituellement. En effet, selon une équipe de chercheurs américains, le sens des mots compte pour 7% seulement dans la compréhension du message, l’intonation pour 38%, et les gestes pour 55% ! C’est vrai et évident que lorsque nous parlons, nous sommes d’abord vus, ensuite entendus, et éventuellement compris. Mais cela suffit-il à expliquer la prépondérance du gestuel dans la communication ?
Selon le Professeur Roger D. MASTERS2, cet état de fait s’expliquerait par notre héritage primatologique, c'est-à-dire, notre faculté, à l’instar des autres primates, d’exprimer nos émotions ou nos actions potentielles par des signes que les autres reconnaissent. Et pour étayer cette thèse, le Professeur René ZAYAN3 a mené une expérience originale : plus de 500 étudiants dans divers pays ont été répartis en 3 groupes. Chaque groupe visualisait les mêmes vidéos d’hommes politiques prononçant des discours, et chaque étudiant devait noter les sentiments que lui procurait chaque orateur (anxiété, joie, peur, etc.).
Seulement le premier groupe d’étudiants avait l’image et le son des vidéos, le deuxième groupe avait l’image et le son brouillé, et le troisième groupe n’avait que l’image. Chose curieuse, tous ces groupes ressentaient les mêmes émotions pour les mêmes orateurs, qu’ils aient le son ou pas ! Le Prof. Zayan proclame donc : le facial, le visuel, écrase tout !
Ses conclusions sont renforcées par des observations faites sur le cerveau grâce à l’imagerie par résonance magnétique (IRM), observations qui démontrent que le cerveau détecte en 1/10 de seconde un visage souriant ou anxieux, par l’activation des zones du cerveau qui correspondent soit au plaisir et à la joie, soit à l’agressivité ou à la haine. C ’est dire que nous réagissons vraiment comme des primates à la vue d’un congénère.
A présent, laissons nos chers professeurs à leurs primates, et faisons à notre niveau une petite expérience : X et Y (j’indexe une ou plusieurs personnes dans l’auditoire en prononçant seulement leurs noms, et par gestes je les fais venir auprès de moi).Je leur fait alors remarquer qu’ils n’ont obéi qu’à un geste, sans qu’il n’ait eu besoin de mots, et les invite à rejoindre leurs sièges.
Nous venons de démontrer que les hommes peuvent communiquer uniquement par signes conventionnels, comme cela est d’ailleurs illustré par le langage des sourds-muets qui leur permet de converser correctement.
A côté des sourds-muets, d’autres groupes d’hommes utilisent abondamment les gestes pour appuyer leurs discours ; ce sont notamment les hommes politiques et les prédicateurs. Leur registre est infini, mais on peut noter un certain nombre de gestes qui reviennent souvent.
D’abord les gestes à une main :
- le pincement de précision (pouce et index réunis, comme pour saisir de petits objets); Ce geste est utilisé depuis plus de 2.000 ans (dans la Rome Antique). Il évoque la précision, le souci du détail.
- l’index tendu (symbolise la réduction du gourdin ancestral, du bâton, de la lance). Il traduit l’agression, l’intention d’attaquer.
- main tendue, les doigts légèrement écartés : souci de faire passer le message au plus grand nombre.
- geste de coupe : doigts tendus et serrés : évoque la détermination, la fermeté.
- main sur le coeur : indique la franchise, la sincérité.
- le cadre : bras tendus, symétriques : évoque la limitation, la précision.
- l’arrondi avec les deux mains : geste d’harmonie, de coalition
- mains ouvertes, paumes en l’air : apaisement, intention pacifique
- les bouts de tous les doigts se touchant : indique le contrôle de soi.
Si nous pouvons emprunter ces gestes pour renforcer notre communication, il en est d’autres par contre (ainsi que des attitudes) qu’il est conseillé d’éviter parce qu’ils trahissent nos sentiments négatifs profonds. En voici quelques uns :
- le « washing machine » : frotter les 2 mains l’une contre l’autre comme pour les laver. Cela traduit un embarras, un désir de dissimulation.
- la poignée de main molle : révèle l’indifférence, voire le dégoût.
- les mains devant la bouche : c’est une position d’attente, qui indique que l’interlocuteur masque tout ou partie de ce qu’il pense.
- les bras croisés (ou dans une moindre mesure, les jambes croisées) : geste barrière, d’auto protection, qui indique le manque de confiance ou la timidité, ou même la soumission (geste de l’enfant puni).
- accueillir en serrant la main de votre interlocuteur dans vos 2 mains réunies : simule une attitude amicale loin d’être ressentie comme telle.
- se lisser les commissures des lèvres avec le pouce et l’index, du haut vers le bas : révèle un simulateur.
- se frotter fréquemment la base du nez avec l’index : révèle un menteur.
Je m’empresse de vous dire que les interprétations ci-dessus sont à relativiser, tout d’abord parce que la synergologie (la méthode de lecture du langage non verbal inconscient) n’est pas une science exacte, loin s’en faut, et aussi parce que l’interprétation d’un même signe peut varier selon les cultures. Pour illustrer cela, je vous fais partager deux expériences personnelles :
- J’ai été ahuri par la fureur d’un serveur marocain dans un café parce qu’un « sud-saharien » (c’est comme cela que l’on nous désignait là-bas) l’avait héler en claquant les doigts ! dans sa culture, cela équivalait à le traiter de chien, alors que les serveurs et (surtout les serveuses) dans nos maquis et bars sont ainsi appelés à longueur de…. soirées, sans que nul ne s’en offusque !
- un grand maître coréen de Tækwondo nous a fait remarquer que nos postures en face de lui avec les bras croisés, que nous nous considérions comme un signe de respect envers lui (confère le « bonjour monsieur », bras croisés de rigueur, que nous adressions à nos instituteurs), était dans son pays un signe d’agressivité, voire une invitation à un duel.
Heureusement qu’il a fait preuve de discernement, sinon je ne serais certainement pas là, devant vous, en train de discourir !
Par ailleurs, selon les spécialistes de la communication, il y’a pire que les gestes involontaires qui nous trahissent, les tics, les postures inadéquates, etc.: c’est la rupture de cohérence. Elle survient quand le message non verbal dévoile tout le contraire de ce dit le message verbal et dans ce cas, c’est le message non verbal qui laisse la trace prioritaire. Par exemple, si votre premier ministre, dans son discours devant l’Assemblée Nationale, regardant les pointes de ses souliers, faisant le « washing machine » avec ses mains, le dos voûté, vous dit : « le Burkina Faso avance vers son destin de lumière », il y’a peu de chances qu’il soit cru. Une manifestation subtile de la rupture de cohérence serait indiquée par la position des mains : un interlocuteur qui aurait simultanément la paume d’une main ouverte vers le haut et la paume de l’autre main tournée vers le bas, serait en totale discordance avec ce qu’il énonce, à l’instar des deux lobes de son cerveau dont la disharmonie est traduite par la position opposée des mains.
En somme, il faut convenir que nous ne pouvons pas empêcher notre corps de s’exprimer, de traduire nos émotions. Mais nous pouvons, après avoir progressivement éliminé nos postures et tics désavantageux, donner du poids à notre communication en optant pour une gestuelle maîtrisée, car le langage du corps, bien que muet, est très éloquent ! Il faut donc travailler à faire d’une traîtresse potentielle, une alliée sûre.
Par ailleurs, selon les spécialistes de la communication, il y’a pire que les gestes involontaires qui nous trahissent, les tics, les postures inadéquates, etc.: c’est la rupture de cohérence. Elle survient quand le message non verbal dévoile tout le contraire de ce dit le message verbal et dans ce cas, c’est le message non verbal qui laisse la trace prioritaire. Par exemple, si votre premier ministre, dans son discours devant l’Assemblée Nationale, regardant les pointes de ses souliers, faisant le « washing machine » avec ses mains, le dos voûté, vous dit : « le Burkina Faso avance vers son destin de lumière », il y’a peu de chances qu’il soit cru. Une manifestation subtile de la rupture de cohérence serait indiquée par la position des mains : un interlocuteur qui aurait simultanément la paume d’une main ouverte vers le haut et la paume de l’autre main tournée vers le bas, serait en totale discordance avec ce qu’il énonce, à l’instar des deux lobes de son cerveau dont la disharmonie est traduite par la position opposée des mains.
En somme, il faut convenir que nous ne pouvons pas empêcher notre corps de s’exprimer, de traduire nos émotions. Mais nous pouvons, après avoir progressivement éliminé nos postures et tics désavantageux, donner du poids à notre communication en optant pour une gestuelle maîtrisée, car le langage du corps, bien que muet, est très éloquent ! Il faut donc travailler à faire d’une traîtresse potentielle, une alliée sûre.
Notes :
1/ Sources : « coupez le son ! le charisme politique », DVD réalisé par Thierry BERROD pour Canal +. « ces gestes qui vous trahissent » de Joseph MESSINGER.
2/ Professeur de psychologie politique à l’université de DARTMOUTH (USA).
3/ Professeur de psychologie politique à l’Université catholique de Louvain (Belgique).
1/ Sources : « coupez le son ! le charisme politique », DVD réalisé par Thierry BERROD pour Canal +. « ces gestes qui vous trahissent » de Joseph MESSINGER.
2/ Professeur de psychologie politique à l’université de DARTMOUTH (USA).
3/ Professeur de psychologie politique à l’Université catholique de Louvain (Belgique).
A propos de l'auteur: Moussa DIALLO est membre du Club Toastmasters BAOBAB de Ouagadougou, Capitale du Burkina Faso.
1 commentaire :
LE TEXTE EST TRES RICHE EN ENSEIGNEMENTS. CE SERA POUR MOI UN HONNEUR DE RENCONTRER SON AUTEUR A QUI JE DIS D'AVANCE: FELICIATIONS! ET A QUI JE RENDS HOMMAGE POUR SA CULTURE. J'AIMERAIS VRAIMENT APPROFONDIR LA PSYCHOLOGIE POLITIQUE. MERCI DE REAGIR POSITIVEMENT A MA REQUETE
GEORGETTE ZAMBLE SOUKOU, 00225 07 67 39 93
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