vendredi 12 juin 2009

Le Toastmaster, Acteur de développement

Chers amis Toastmasters,

Au moment où je prononce ce 10ème Discours, j’ai envie de dire trêve de beaux discours ! Oui ! Trêve de beaux discours ! Mais c’est pourtant à travers eux que j’ai perçu les aspirations de tout toastmaster : être un véritable acteur, un moteur de la transformation de sa cité, un leader dans sa communauté. Le dernier discours de Mme KAFFA et bien d’autres interventions m’en ont donné la profonde conviction.

De grands chantiers nous attendent, les besoins non encore satisfaits sont immenses au point de nous donner le vertige. Nous sommes aujourd’hui une élite aspirant à transformer notre cité. Une minorité entourée d’une majorité d’analphabètes, d’illettrées. Comment être un véritable leader ancré dans sa communauté?



Cette question pose la problématique de l’intérêt ou de la nécessité de la maîtrise de nos langues maternelles ou nationales dans le processus de leadership ?
Je vais examiner cette question, non pas en terme théorique mais à travers deux exemples aussi controversés, aussi diamétralement opposés l’un et l’autre, deux exemples qui ont défrayé la chronique ces deux derniers mois. Au-delà des controverses et des faiblesses humaines de chacun, je ne veux voir que le modèle.

1° KARIM WADE
Karim Meïssa Wade, né le 1er septembre 1968 à Paris - fils du président actuel de la République du Sénégal, Abdoulaye Wade – figure parmi « les 100 personnalités qui feront l'Afrique en 2009 », selon l'hebdomadaire Jeune Afrique1. Il vient d’être nommé ministre d'État, de la Coopération et des Transports en mai 2009. Mais on lui prête des ambitions présidentielles à l'horizon 2012. Pour y parvenir, il va commencer par se présenter aux élections municipales de Dakar le 23 mars 2009 . Les électeurs sénégalais en ont décidé autrement. Pourquoi ?
Parmi les motifs, la vox populi ne le juge « pas assez sénégalais »26. On lui reproche surtout de ne maîtriser aucune des langues nationales du Sénégal, tout particulièrement le wolof, parlé par la majorité de la population. « Si Karim veut être président, il doit parler le wolof », titrait à la une L’Idéal, un journal populaire.

2° JACOB ZUMA
Jacob Zuma, est né le 12 avril 1942. De l'ethnie Zoulou, il est autodidacte. Il est analphabète jusqu’à l’âge de 17 ans. C'est durant son incarcération à Robben Island, grâce aux cours dispensés par ses co-détenus, que Jacob Zuma apprend à lire, à écrire et se familiarise aux débats d'idées.
Jacob Zuma est de religion chrétienne mais également très attaché à la culture et aux croyances traditionnelles des Zoulous. En vertu des « enseignements du seigneur », il considère l’union civile des homosexuels comme un « déshonneur ». On dit que c’est un homme à femmes, père d'une ribambelle d'enfants. Jacob Zuma est très populaire auprès des militants de l'ANC. Très proche de son peuple il a été souvent vu dans les reportages télévisés dansant et chantant Zoulou. Il connaîtrait parfaitement le répertoire des chansons traditionnelles sur le bout des doigts, de la langue dirai-je !
Le 6 mai 2009, après la victoire de l'ANC aux élections législatives, il est élu président de la République par le Parlement, par son peule, qui se reconnait en lui, malgré tout ce qui lui est reproché.

Que retenir de ces deux tableaux ?

1° le premier, homme politique sénégalais, fils de son père-président, a réussi à tenir le sommet de l’OCI en 2008. Mais il n’a pas recueilli les voix du peuple pour les raisons que j’ai évoquées.
2° le second, controversé, trainant beaucoup de casseroles, n’ayant pas une vie irréprochable, pratiquant la polygamie à volonté, est pourtant adoubé par son peuple.

Ou réside la différence ?
Dans l’ancrage, dans l’enracinement populaire des deux leaders, dans la plus ou moins grande maîtrise que chacun possède de la langue, de la culture du peuple qu’il aspire à diriger.
3° Il y a une réelle nécessité à maîtriser nos langues, notre culture dans le processus de leadership.

Nous Toastmasters, qui nous formons au leadership un samedi sur deux, qui venons présenter des discours laborieusement préparés au prix parfois de nuits blanches, nous devons nous poser cette question que je crois essentielle : je suis, je veux devenir un leader pour qui ? Je ne demande pas le pourquoi, car les motivations des uns et des autres sont aussi évidentes que personnelles.

Le leader est celui qui sait susciter l’émotion, qui sait inspirer, qui sait entrainer les autres vers l’action, qui sait faire agir efficacement, c’est celui qui a du charisme. Comment puis-je toucher votre cœur, votre esprit, comment puis-je vous inspirer, vous amener vers d’autres aventures, vers d’autres ports jusque-là inconnus, vers des projets gigantesques, si je ne vous parle pas de vos manques, de vos besoins, de vos aspirations avec des images qui signifient quelque chose pour vous, si je vous parle pas de vos maux avec vos mots ?

La majorité de notre peuple est analphabète. Les thèmes de nos discours pendant les séances de formation posent très souvent des problématiques liés au développement, à l’éducation, à la protection de l’environnement, à la santé.

L’utilisation excessive du bois de chauffe accélère le déboisement la désertification. Madame KAFFA l’a dit le samedi 2 mai 2009. Elle a mille fois raison. Mais celui qui utilise le bois de chauffe, c’est le paysan, la paysanne et cette cohorte de semi-citadins vivant à la limite du seuil de pauvreté, qui ne peuvent pas acheter le gaz et qui n’ont que cette ressource pour faire leur cuisine.

Ma chère Georgette, ne supporte pas la fumée du feu de bois. Elle utilisera volontiers le gaz, plus propre. Elle en a les moyens. Mon ami Célestin, peut être une victime involontaire de la contrefaçon de médicament contre laquelle s’insurgeait samedi dernier Madame GALADIMA. Il n’ira pas acheter un médicament qu’il sait être un médicament de la rue. Celui qui le fait, c’est celui qui ne sait pas ou qui n’a pas les moyens d’acheter l’original. C’est aux laissés pour compte, à ceux qui sont en marge de la civilisation mais qui, par ignorance nuisent à eux-mêmes et aux autres, à ceux qui ne parlent ni le français ni l’anglais, c’est vers eux que nos actions de leader doivent être tournées.

Il est bon de maîtriser la langue de Molière et celle de SHAKESPEARE sous toutes les coutures. Mais n’oublions pas nos langues. Elles sont belles, vivantes, expressives, pleines d’images qui nous parlent. Il y a des choses qui n’ont de sens réel pour nous que quand elles sont exprimées en langues vernaculaires. Nous avons désappris notre langue. Si je vous donne ce fascicule à lire, maintenant, peu d’entre vous sauraient déchiffrer cet alphabet.

J’ai honte à chaque fois que je présente mes condoléances en français même à des compatriotes. Le mot condoléances est comme un bloc de glace, froid, sans vie, sans signification. J’ai rarement entendu quelqu’un à qui vous présenter vos condoléances en français vous répondre autre chose que MERCI. Mais à chaque fois que cela a été dit en langues vernaculaires, j’ai senti que l’on se faisait comprendre par l’autre, que l’on compatissait réellement à sa peine. Et à chaque fois, il est répondu AMINA ou AMEN.

On n’est pas leader pour soi, on est un leader pour les autres et avec les autres. Je ne fais pas un plaidoyer pour l’érection d’un club TOASTMASTER en langue nationale. Je veux simplement que vous preniez conscience que nous devons donner une chance à nos langues nationales.

La formation Toasmaster n’est pas incompatible avec la maitrise d’une langue nationale. Bien au contraire, cela nous donne d’autres atouts linguistiques. Au rendez-vous du donner et du recevoir je ne voudrai pas que le leader africain, le toasmaster africain arrive les mains vides et le cerveau rempli des idées, des images des autres.

Pour donner une chance à nos langues de survivre à la mondialisation, à la globalisation, à l’effacement des plus faibles par les plus forts culturellement et technologiquement, pour être des leaders ancrés dans notre milieu, dans notre culture et en phase avec notre peuple, je vous demande de vous engager en tant que toastmaster:
1) A faire l’effort de parler votre langue traditionnelle avec vos enfants
2) A Encourager vos enfants qui sont notre avenir à parler une langue dite locale, même celle de l’autre.
3) Pour les couples mixtes, ne pas être gêné que votre enfant parle la langue de sa mère. Pourvu qu’elle soit une langue de chez nous.
4) Utiliser nos langues pour expliquer le savoir à ceux et celles qui ne parlent ni le français ni l’anglais, à ceux et celles qui n’ont pas de lien de parenté ni de près ni de loin avec Molière ou Shakespeare.

Ce n’est qu’en maitrisant nos valeurs et en les partageant à travers la communication que nous pourrons espérer, un jour, cesser d’exporter tout notre cacao à vil prix pour ensuite importer du chocolat au prix fort.
A propos de l'auteur : Jacques TERRAH est membre du Club Toastmasters OUAGA FORUM. Il est Directeur Général de Aventis Pharma Burkina.

2 commentaires :

Anonyme a dit…

C'est tout simplement beau! Bravo Jacques.
Georgette

Anonyme a dit…

oui vous l'avez dit c'est tout simplement beau . felicitation a vous Mr TERRAH .

geoffroy guepie