mardi 1 avril 2008

Les anglicismes en question : un combat d’arrière-garde ?

J’entends souvent, à l’occasion de nos séances de formation, les grammairiens pointer comme fautes d’expression, les anglicismes. Ainsi, des mots comme Past président, coach ou encore Web … sont jugés non appropriés. Si je comprends parfaitement la motivation de cette traque aux anglicismes que plusieurs clubs francophones, y compris des clubs canadiens, pratiquent, il me semble bon de m’arrêter un instant sur cette recommandation et d’en examiner la pertinence.

Tous les anglicismes ne sont pas forcément heureux et ceux-ci, autant que les mots français, peuvent être mal utilisés. Il n’empêche que les mots anglais font aujourd’hui partie du langage courant, y compris (je dirais même plus particulièrement) dans le monde professionnel. Ce ne sont pas les spécialistes en communication, les économistes, les informaticiens qui diront le contraire… Eux dont les métiers sont envahis d’anglicismes dont l’utilisation devient bien souvent le reflet d’un certain professionnalisme « branché ».



Dans un tel contexte, quel objectif visent les clubs Toastmasters francophones par leur exigence d’utilisation à tout prix d’un mot français à la place d’un anglicisme ? Se faire comprendre de tous ? Défendre la pureté de la langue française ?

Si notre objectif est celui que je crois, c’est à dire, nous faire comprendre de ceux à qui nous nous adressons, et si, comme cela est recommandé dans le discours de niveau 6, l’utilisation du mot juste est un impératif du discours de qualité, alors pourquoi un anglicisme ne pourrait-il pas valablement faire l’affaire ?

Les clubs Toastmasters, fussent-ils francophones, ne devraient pas se tromper de mission en se muant en espaces de défense de la pureté de la langue française. Je considère que nos séances visent avant tout à nous aider à utiliser un langage élégant, moderne, cohérant, compréhensible et capable de susciter l’adhésion de notre auditoire. Et dans cette quête, un anglicisme reconnu, pour peut qu’il soit utilisé de façon appropriée, peut avoir un meilleur impact que son équivalent français. Tout l’art de l’utilisation des anglicismes réside par conséquent dans la justesse du choix des mots en fonction de l’effet recherché : rendre crédible un propos, attester d’une expertise avérée dans un domaine de compétence donnée, etc.

Je considère, de ce fait, que la chasse aux anglicismes ne saurait donc être un principe au cours de nos formations. Tout l’art du grammairien sera de savoir faire preuve de discernement et de traquer, non pas les anglicismes mais les mots courants mal utilisés. Que ceux-ci soient ou non d’origine française. Cela est une exigence si nous ne voulons pas que les clubs Toastmasters mènent un combat d’arrière-garde en devenant des îlots de défense de la langue française dont les raisons du recul dans le monde nous dépassent.

Vous ne partagez peut-être pas mon point de vue. Le débat est ouvert.

Augustin NIANGO, ATM-B
In Bulletin Ouaga Forum, mai 2005

A propos de l'auteur: Augustin Niango est Past-Président de Ouaga Foum, premier Club Toastmaster du Burkina Faso. Il travaille à la Commission de l'UEMOA basée à Ouagadougou, Burkina Faso

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